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Découvrir la nature avec nos yeux d’expert.e.s

Parce que tu te demandes qu’est-ce qui se passe dans un cocon de papillon, comment se forme une tornade et comment les plantes communiquent... L'équipe de naturalistes de GUEPE a décidé de répondre à toutes tes questions, car la nature, ce n’est pas un mystère, c’est une science! Un.e naturaliste c’est quoi? En gros, c’est un.e spécialiste dont la mission première est de vulgariser les différentes sciences de la nature.

Chaque mois, on te présente une vedette, animale, végétale ou autre (oui, oui!), en plus des sujets préférés de nos naturalistes. Reste donc bien connecté.e. On va répondre aux questions de notre lectorat (incluant les tiennes) et on va aussi te proposer des places à visiter, des actions à poser, des trucs à voir et à lire. 

On te souhaite une bonne exploration de la nature!

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Qc-Nature
Les combustibles fossiles : une histoire de longue date

Le pétrole, le gaz naturel et le charbon sont des combustibles fossiles. Combustibles, parce qu’ils peuvent être brulés. Fossiles, parce qu’ils sont la trace d’organismes ayant vécu sur Terre il y a très longtemps.

Le pétrole, le gaz naturel et le charbon sont des combustibles fossiles. Combustibles, parce qu’ils peuvent être brulés. Fossiles, parce qu’ils sont la trace d’organismes ayant vécu sur Terre il y a très longtemps.

Ce qui leur permet de bruler aussi bien est leur composition en carbone (C). Sur Terre, le carbone est beaucoup plus abondant dans les organismes vivants. Les sucres, les gras, les protéines et même l’ADN sont des molécules du vivant qui comptent beaucoup d’atomes de carbone dans leur structure. La masse d’un corps humain est constituée d’environ 18,5 % de carbone. Dans l’ensemble du vivant (soit la biosphère), c’est plus autour de 20 % de la biomasse sur Terre. (La biomasse, c'est la masse formée par tous les organismes vivants.) En comparaison, dans la roche de la croûte terrestre, le carbone compte pour moins de 1 % de la masse.** L’air que nous respirons, quant à lui, est composé de seulement 0,04 % de gaz carbonique (principal gaz avec du carbone dans l’atmosphère). Les organismes vivants concentrent donc le carbone de la planète. Une fois mort, le carbone pourra servir de source pour former les combustibles fossiles.

D’ailleurs, saviez-vous que certains composés du pétrole brut sont des formes dérivées de molécules que l’on retrouve juste dans les organismes vivants comme la chlorophylle et le cholestérol?****

Formation du pétrole et du gaz naturel

C’est principalement les organismes aquatiques morts qui fournissent la matière organique qui devient des combustibles fossiles. Mais pourquoi? C’est parce qu’ils s’accumulent dans les sédiments des fonds marins, où les conditions sont propices pour la transformation qui doit avoir lieu.  

Suintement de pétrole dans la Simi Valley, en Californie

Dans des conditions aérobiques, donc en présence d’oxygène, les organismes vivants qui s’en nourrissent peuvent la décomposer en totalité. Mais, ce sont les organismes décomposeurs qui vivent sans oxygène qui nous fourniront les ingrédients dont nous avons besoin. Enfouie dans les sédiments du fond marin (et à l’abri de l’oxygène), la matière organique sera exposée à des microorganismes qui chercheront surtout à prendre l’azote (N) et l’oxygène (O) des molécules organiques laissant derrière eux le carbone (C) et l’hydrogène (H), soit la base des hydrocarbures!

Par le cycle naturel des roches, les sédiments s’enfouissent et entraînent ces résidus de matière organique de plus en plus profondément sous terre. Cela finit par les emprisonner dans la roche sédimentaire. Plus la roche descend dans la croûte terrestre, plus elle sera soumise à une pression et une température élevée.***** Les résidus organiques piégés, riches en carbone et en hydrogène, vont progressivement se transformer. Selon la profondeur (qui n’est pas encore suffisante pour métamorphoser la roche), cela donnera des composés différents.

  • En atteignant plus de 2 km de profondeur, la température et la pression permettent de créer du pétrole. On peut y retrouver différents types de pétroles. Les molécules qui les composent sont plutôt grosses. En plus du pétrole, il y a aussi un peu de gaz naturel qui se forme.
  • Rendu à plus de 3 km de profondeur, du pétrole peut encore se former. Toutefois, il y a beaucoup plus de gaz naturel. Plus les résidus organiques descendent, plus ils sont transformés en composés de petite taille. Le gaz naturel est composé de molécules simples et plus petites que le pétrole. L’un des principaux gaz naturels est le méthane (CH4).
  • Passé 4 km de profondeur, il ne se crée que du gaz naturel. La température et la pression sont trop élevées pour former du pétrole.
Tiré de Connaissance des énergies

Cela se passe très, très, très lentement. Il faut se souvenir que le processus décrit, qui mène à la création de pétrole, prend entre 20 et 350 millions d’années. Puisque ce processus dépend du cycle des roches, il n’est pas étonnant que le temps écoulé soit à l’échelle géologique de la Terre, plutôt qu’à l’échelle d’une vie animale.

Formation du charbon (dit de terre, pas de bois)

Pour avoir du charbon, il faut aussi que de la matière organique morte se retrouve dans un endroit pauvre en oxygène, puis que les résidus de sa décomposition soient soumis à une pression et une température plus élevées. Le charbon se retrouve dans de la roche sédimentaire. À vrai dire, le charbon lui-même est roche sédimentaire, mais combustible en raison de sa forte concentration en carbone (C). Il prend plus de 300 millions d’années à se former et son origine est uniquement de source végétale, comme des débris de plantes.

Le charbon provient principalement de la période géologique du Carbonifère******. À cette période, la végétation était abondante et de grande taille. Il y avait aussi beaucoup de tourbières. Lorsque les plantes mouraient, beaucoup d’entre elles se retrouvaient immergées dans l’eau des tourbières (et d’autres milieux humides). Cette matière organique s’accumulait ainsi avec les sédiments dans un milieu avec peu d’oxygène.

Toutefois, un autre élément de l’histoire du vivant devait être réuni pour rendre le tout possible. L’absence de microorganismes capables de dégrader la lignine, une molécule présente que dans les plantes (comme la cellulose). La lignine a émergé dans l’évolution du règne végétal, car elle offrait l’avantage aux plantes d’être plus rigides, ce qui est plutôt pratique pour les très grands végétaux de cette période (ainsi que pour les arbres actuels). La présence de la lignine a rendu la décomposition des végétaux beaucoup plus difficile, laissant davantage de résidus organiques prêts à être transformés en charbon. La formation de charbon a arrêté à la fin du Carbonifère, en même temps que l’apparition de champignons capables de digérer la lignine!

Mine de charbon en Norvège

En brulant les combustibles fossiles, l’humain libère du carbone sous forme de gaz carbonique dans l’atmosphère, du carbone qui était bien tranquillement enfoui sous terre depuis des centaines de millions d’années. En utilisant ce type d’énergie, l’humain perturbe le climat de la planète en ajoutant des GES supplémentaires dans l’atmosphère. De plus, l’humain choisit une ressource qui prend énormément de temps à se former. Par conséquent, ses quantités sont limitées. On parle d’énergie non renouvelable à l’échelle humaine.

NOTES

* « Les combustibles fossiles représentent actuellement 80 % de la demande énergétique primaire dans le monde et le système énergétique est la source d’environ deux tiers des émissions mondiales de CO2. », Le rôle des combustibles fossiles dans un système énergétique | Nations Unies

** Environ 75 % de la masse de la croute terrestre est composé de seulement 2 éléments atomiques : l’oxygène (O) à 47 % et le silicium (Si) à 28 %.

*** « Il y a 4,3 milliards d’années, le CO2 constituait 25 % de l’air, alors que l’oxygène n’était présent qu’à l’état de traces. », Tout sur le carbone| Université Laval

**** Preuves de l’origine organique des pétroles | Encyclopædia Universalis

***** La température à des profondeurs de 2 à 3 km dans le sol atteint entre 60 °C et 120 °C. Sous 3 km, c’est donc plus que 120 °C. Passé 4 km, c’est plus de 150 °C. Formation du pétrole | Connaissance des énergies

****** Le mot Carbonifère fait justement référence au carbone provenant de cette période qui remonte à entre –360 et –300 millions d’années (approximativement). C’est aussi à cette période que l’on retrouvait des invertébrés et des amphibiens de très grande taille.

Par Philippe, coordonnateur des activités dans Charlevoix

Sources images : Brancwp, Connaissance des énergies, Daniel Foster

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Choix du naturaliste
Les plantes qui décontaminent : la phytoremédiation

Les végétaux se nourrissent et accumulent des nutriments, et plusieurs absorbent aussi des contaminants. C’est cette propriété qui est exploitée lors de la phytoremédiation, une stratégie naturelle pour décontaminer.

As-tu déjà entendu parler de la phytoremédiation? Héé oui, les plantes en absorbent, tu te rappelles? Si non, on va te rafraîchir la mémoire! Tous les végétaux se nourrissent et accumulent des nutriments pour composer leurs parties, mais plusieurs absorbent aussi des contaminants. C’est cette propriété qui est exploitée lors de la phytoremédiation, une stratégie naturelle que l’on peut employer pour décontaminer notre environnement.

Plus d’une façon de décontaminer le sol

Un saule qui « phytoremédie »

Il existe plusieurs types de phytoremédiation basés sur la capacité qu’ont certaines plantes à disposer des éléments contaminants présents dans leur environnement. Par exemple, la phytoextraction exploite les plantes qui ont tendance à concentrer les polluants dans leurs tissus, que ce soit dans les racines ou dans leurs parties aériennes telles que le tronc et les branches ou les feuilles. C’est d’ailleurs la stratégie la plus utilisée pour capturer les polluants des sols contaminés par les activités humaines. Par exemple, les saules et les peupliers sont des végétaux utilisés dans la décontamination d’anciens sites industriels. Pour compléter la décontamination des sols, les végétaux sont retirés, puis traités de différentes manières : soit par combustion, compostage, ou par biométhanisation*.  

La phytodégradation est une stratégie complémentaire à la phytoextraction. Elle consiste à faire usage des plantes ayant la propriété de dégrader les contaminants organiques du sol afin de les rendre moins nuisibles grâce à un métabolisme contenant des enzymes spéciales. Ainsi, les saules pleureurs sont couramment utilisés pour nettoyer les sols contaminés aux hydrocarbures. Elle est parfois aidée par la rhizosphère et ses composantes, dont les bactéries du sol ou les champignons mycorhiziens tu t’en souviens? (On parle alors de rhizodégradation). La plante de tabac est également utilisée afin de dégrader les composés organiques polluants, mais elle a aussi la particularité de volatiliser dans l’air les éléments dégradés. C’est ce qu’on nomme la phytovolatilisation.  

Un peuplier qui « phytoextracte »

Enfin, la phytostabilisation quant à elle, empêche les contaminants de se déplacer en étant lessivés par l’eau ou encore volatilisés par le vent. Tu comprends alors qu’on utilise cette méthode lorsqu’il est question d’immobiliser de manière naturelle les contaminants des sites industriels. Ce sont notamment les racines des plantes qui agissent à cette fin. Toutes sortes de plantes ayant différentes profondeurs de racines sont utilisées à cet effet, et sont choisies selon les besoins**.  Par exemple, l’aménagement de bandes riveraines est largement pratiqué afin d’empêcher les engrais et les pesticides de se rendre au cours d'eau à proximité de terres agricoles, de coupes forestières ou encore de terrains privés près des lacs. D’ailleurs, le saule est encore une fois vainqueur, car c’est dans les premiers végétaux à être plantés en bordure de cours d’eau.

Une bande riveraine de saule qui « photostabilise »

Vive le vert!

Ainsi, les plantes sont non seulement importantes pour promouvoir la biodiversité, mais elles nous aident, nous aussi. Elles nous permettent de vivre dans un environnement plus sain en le décontaminant et sont sans doute la clé qui nous permettra de remédier à d’autres problèmes environnementaux, en plus de nous offrir une panoplie d’autres services! N’hésite donc surtout pas à mettre plus de vert dans ta vie!  

NOTES

* La biométhanisation est un processus de récupération du méthane à partir de composte. Mais nous y reviendrons bientôt.  

** On pourrait alors parler de diversité fonctionnelle, lorsqu’on utiliser les différentes profondeurs de racines pour arriver aux objectifs souhaités, comme en permaculture, par exemple.  

Par François-Vivier, éducateur-naturaliste

Sources images : Pixabay, Pixabay, Pixabay,

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Vedette du mois
Les bio-indicateurs

En analysant les espèces d’un milieu, on peut en faire le diagnostic. Est-il en santé ou est-ce que ça va mal? Un bio-indicateur, c’est un outil utilisé en écologie pour mesurer l’état d’un écosystème. Qui sont-ils?

Dans le fjord du Saguenay, on s’intéresse à la mye commune (un mollusque bivalve cousin de la moule). Elle a tendance à répondre négativement à la présence de polluants dans l’eau. En analysant ses populations à différents endroits dans la rivière, on peut établir un diagnostic de l’écosystème (de son intégrité biologique, chimique et physique). Est-il en santé ou est-ce que ça va mal? La mye, c’est un bio-indicateur : un outil utilisé en écologie pour mesurer l’état d’un milieu.  

Une mye commune

Un compas de la bio-santé

Les espèces bio-indicatrices (des plantes, des animaux, des champignons et des bactéries) sont sensibles à des perturbations. Les modifications du milieu ont donc un impact sur leur comportement et/ou sur la croissance de leurs populations. En les étudiant (et en étudiant leur niche écologique), on obtient des informations sur les fonctions et les caractéristiques de l’écosystème. Par exemple, une espèce de plante présente dans un milieu pourrait indiquer une forte concentration de métaux lourds dans le sol (comme c’est le cas pour la renouée du Japon, qui pousse généralement dans des sols pauvres et pollués).  

Par leur présence ou par leur absence, les bio-indicateurs permettent de faire le portrait de l’évolution d’un milieu, qu’il soit en santé ou pas. Lorsqu’on compare les populations bio-indicatrices dans des milieux perturbés et non perturbés par l’humain, on fait un diagnostic permettant une meilleure gestion des écosystèmes perturbés comme on l’a fait avec la mye dans le Saguenay. Les bio-indicateurs permettent ensuite de calculer si les objectifs sont atteints par les actions de conservation. On peut aussi utiliser des bio-indicateurs pour surveiller des milieux et être en mesure de constater s'il y a une augmentation des perturbations.  

 

Des sentinelles  

Lorsqu’on étudie un bio-indicateur, on s’intéresse à la dynamique de sa population. Est-elle en croissance? En décroissance? Stable? Inexistante? On peut alors poser des hypothèses sur la santé de l’écosystème. Disons que dans la zone A du Saguenay, on remarque une baisse de la population de la mye commune, dans la zone B, la population est stable et dans la zone C, la mye est absente. Sachant que la mye meurt en présence de contaminants, on peut commencer à penser que les zones A et C de la rivière nécessitent un grand ménage!  

Pour en apprendre davantage sur les effets des contaminants, on utilise les espèces sentinelles. On note chez ces dernières des changements physiques, moléculaires ou comportementaux au niveau des individus dus à la présence de polluants. (En comparaison, le bio-indicateur donne des informations sur les caractéristiques d’un milieu seulement par sa présence ou son absence.) Une sentinelle n’est pas nécessairement un bio-indicateur, mais l’un n’empêche pas l’autre. Le lichen a la double vocation : il est abondant dans les milieux donc l’air est plus propre et on peut analyser leur physionomie pour comprendre les impacts de certains polluants atmosphériques.  

Les poissons, comme cet achigan à grande bouche, accumulent (par bioaccumulation) des toxines dans leurs tissus.

Qui sont les indicateurs?

Ce n’est pas n’importe qui (ou quoi) qui a toutes les qualifications pour être un bon bio-indicateur. D’abord, il faut toujours se rappeler que l’interprétation des changements d’une population doit être faite de manière réelle. Il ne faut pas tirer des conclusions trop rapides : ce n’est pas parce qu’on voit du lichen quelque part que l’air y est parfaitement pur. Les analyses menées doivent être faites sur différents sites et prendre en compte des tonnes de variables selon les écosystèmes et les bio-indicateurs choisis. La bio-surveillence, bien qu’elle soit aujourd’hui assez répandue, reste une méthode de mesure indirecte.  

Prenons, par exemple, les macroinvertébrés filtreurs qui vivent dans le fond de l’eau.

  • Ils sont généralement présents en grande quantité (donc, en prélever en nature n’a pas véritablement de conséquences sur le milieu).  
  • Leur cycle de vie est assez court, donc il est facile de voir des variations des populations dans le temps (plus que chez des gros mammifères qui vivent très longtemps, comme les éléphants, pour qui il faudrait des années pour étudier les variations entre les générations).  
  • Ils sont sédentaires, donc ils sont un échantillon représentatif au niveau local.  
  • Ils peuvent avoir un impact important sur la santé de l’écosystème, car ils représentent un maillon important de la chaîne alimentaire.  

Ils sont donc d’excellents candidats pour être des bio-indicateurs. Divers polluants aquatiques sont attachés aux particules organiques dont ils se nourrissent. Ces toxines s’accumulent dans leurs tissus par bioaccumulation, limitent leur croissance et appauvrissent leur système immunitaire. En étudiant leurs populations, il est possible de constater rapidement des changements dans l’écosystème et ainsi prévenir des perturbations plus grandes.  

On pourrait faire le même exercice avec le plancton, les algues, des bactéries, etc.  

Les larves d'éphémères, qui vivent au fond des cours d'eau sont grandement utilisées comme bio-indicateur.

De manière plus générale, on utilise les populations d’amphibiens, dont la peau perméable peut absorber les toxines dans l’eau, comme des bio-indicateurs (et des sentinelles) de choix dans les milieux aquatiques. On dit aussi que les vers de terre sont de bons indicateurs d’un sol riche en matière organique. Au Québec, en plus de la mye dans le Saguenay, on surveille entre autres le grand héron pour s’assurer de la bonne qualité des eaux du Saint-Laurent.  

Il n’y a pas de bio-indicateur universel : aucun standard n’existe pour le choix des espèces et la justesse des résultats en biosurveillance est encore sujette à débat. Toutefois, si les analyses sont rigoureuses, laisser la nature nous parler, c’est un moyen fascinant de démontrer et comprendre notre impact sur les écosystèmes.

Par Anne-Frédérique, éducatrice-naturaliste senior

Sources images : Yuriy Kvach, Raw pixel, Dave Huth

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Question du public
Sapin ou épinette, telle est la question

T’es-tu déjà demandé.e si l’arbre qu’on appelle « sapin de Noël » est réellement un sapin et non un conifère semblable comme l’épinette? Sachant qu'une outarde n'est pas une bernache, ça vaut la peine de se poser la question.

C'est quoi la différence entre un sapin et une épinette?

À cette période de l’année plusieurs d’entre nous avons remarqué les arbres décorés qui ont récemment poppé dans les parcs ou les terrains municipaux. Tu as peut-être même décoré ton propre arbre chez toi dans le salon, qu’il soit vrai ou en plastique.  

Le fameux sapin de Noël est un véritable emblème du temps de fêtes, et le Québec est le producteur numéro un de sapins au Canada. En effet, en 2021, les producteurs québécois (situés pour la majorité en Estrie et en Chaudière-Appalaches) ont fourni aux alentours de 2,6 millions d’arbres, dont 1,4 million (environ 55 %) ont été exportés à l’international, principalement aux États-Unis.

T’es-tu déjà demandé.e si l’arbre qu’on appelle « sapin de Noël » est réellement un sapin? Sachant qu'une outarde n'est pas une bernache et qu'un chevreuil n'est pas un cerf, ça vaut quand même la peine de se poser la question : comment confirmer qu’un sapin est bien un sapin et non un conifère semblable comme l’épinette?

La réponse est dans les détails

Le sapin et l’épinette ont plusieurs similarités : ce sont tous deux des conifères pouvant atteindre 25 m de hauteur avec une forme plutôt conique et des aiguilles assez courtes (généralement autour de 2 centimètres). Les deux peuvent être rencontrés régulièrement un peu partout au Québec autant en ville qu’en forêt. Pourtant, en regardant de plus près, il y a quelques trucs tout simples pour différencier le sapin de sa cousine, l’épinette.

Premier test

Prends une aiguille de l’arbre et essaie de la faire rouler entre tes doigts. Si tu es capable de la rouler, il s’agit d’une épinette. En effet, les aiguilles d’épinette sont quadrangulaires, autrement dit elles sont carrées et donc, peuvent rouler. Le sapin, lui, a des aiguilles plates qui ne rouleront pas entre tes doigts.  

À gauche, une aiguille d'épinette rouge, dont on vois la coupe de forme carrée.
À droite, l'aiguille plate du sapin baumier.

Deuxième test

Pointe une branche de l’arbre que tu veux identifier dans la direction de tes yeux (mais fais attention de ne pas te crever l'oeil!). Est-ce que les aiguilles sont attachées à la branche sur un seul plan horizontal, à droite et à gauche? C’est très possible que ce soit un sapin! Le sapin baumier, notre sapin indigène au Québec, possède cette caractéristique et c'est une bonne façon de le reconnaître.

L'épinette rouge à gauche et le sapin baumier à droite.

Voilà! Avec ces deux tests à toute épreuve, tu es prêt.e à aller identifier l’arbre dans ton salon. Ici, les sapins de Noël sont bel et bien des sapins--en fait il y a même quatre variétés de sapins cultivés au Québec*. Tu peux faire les tests lors de ta prochaine balade dehors pour tenter de trouver les épinettes.

Plus sur les cousins, cousines

Ce n’est pas tout ce que je peux dire sur ces arbres majestueux. Pour les curieuses et curieux de nature, voici d’autres informations intéressantes.

Le sapin appartient au genre Abies et nous avons un représentant du groupe qui est indigène au Québec : le sapin baumier (Abies balsamea). Les épinettes, quant à elles, appartiennent au genre Picea, et l’on compte trois espèces sur notre territoire : l’épinette noire (Picea mariana), l’épinette blanche (Picea glauca) et l’épinette rouge (Picea rubens). Par contre, les trois espèces se ressemblent énormément et même les experts peuvent facilement se tromper en essayant de les identifier. Le sapin et les épinettes produisent tous des cônes en guise de fructification. Cependant le sapin porte ses cônes pointés vers le haut, comme posés sur la branche, tandis que l’épinette porte ses cônes pointés vers le bas, pendus sous la branche. Voilà une autre astuce pratique pour faire la différence, à condition d’observer l’arbre à la période de l’année où les cônes sont présents.

Les épinettes ont une importante valeur économique pour l’industrie du bois d’œuvre et de pâte et papier. On peut aussi faire une boisson avec : la fameuse bière d’épinette (avec ou sans alcool). Le bois d’épinette est souvent utilisé pour fabriquer des tables de résonnance de piano, des tuyaux d’orgue, des guitares et des violons à cause de sa bonne sonorité. Et avant l’invention de notre chewing-gum moderne, c’est de la résine d’épinette qu'on mâchait!

Le sapin baumier, quant à lui, ne produit pas un bon bois de construction (il a tendance à se fendre), mais il y a tout de même d’autres usages qu’on peut faire de ce joli conifère. En plus d’être LE sapin de Noël par excellence, il produit de la gomme de sapin (aussi appelée baume, d’où son nom de sapin baumier). La gomme de sapin a longtemps été utilisée par les Premières Nations pour traiter les blessures, brûlures, maux de gorge, et toux à cause de ses propriétés antibactériennes, antifongiques, antiseptiques et antivirales.  

Tu comprendras donc que ces arbres ont une grande valeur, non seulement pour la richesse biologique de notre territoire, mais aussi pour l’usage qu’on en fait. Cependant, ils ne sont pas à l’abri des menaces. En effet, le sapin baumier est particulièrement touché par les ravages de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (une chenille qui, malgré son nom, affectionne particulièrement les aiguilles de sapin). Pour l’épinette, en plus de la tordeuse, il y a les feux de forêt à répétition (phénomène de plus en plus fréquent avec les changements climatiques) qui causent des problèmes. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des feux entrave la recolonisation du territoire car les jeunes arbres ne parviennent pas à atteindre un niveau de maturité suffisant pour résister au prochain feu.

Alors la prochaine fois que tu te promènes dans ton quartier ou dans une forêt, je t’invite à prendre un instant pour apprécier les sapins et épinettes autour de toi (maintenant que tu sais faire la différence)!

NOTE

*La majorité des « sapins de Noël » cultivés au Québec sont des sapins baumiers, mais on peut aussi trouver des sapins Fraser (originaire des États-Unis), des sapins Canaan et des sapins Cook.

Par Sarah, éducatrice-naturaliste spécialiste

Sources images : Pixabay, GUEPE, Keith Kanoti, Maine Forest Service, Superior National Forest

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326
Choix du naturaliste
Les poules de la forêt

Une poule sauvage, au milieu de la forêt boréale, grattant le sol pour déterrer de la nourriture : une véritable scène des milieux naturels du Québec. Voici une famille d’oiseaux au look de poulet : les Phasianidés.

Imagine une poule, sauvage, libre comme l’air, au beau milieu de la forêt boréale, en train de gratter le sol pour déterrer de la nourriture. C’est une véritable scène de nos milieux forestiers, et même ailleurs. Les milieux naturels du Québec abritent une famille d’oiseaux au look de poulet, mais 100 % adaptée à la vie sauvage : les Phasianidés*.  

La perdrix grise, une poulette venue d'ailleurs

Leurs pattes sont robustes, parfaites pour courir et sauter. Bien que ces oiseaux ronds et dodus sachent voler, ils sont plus à l’aise au sol (une niche écologique qu’ils partagent avec les grives!). C’est d’ailleurs là qu’ils s’alimentent de bouts de végétaux (complétant leur diète par quelques insectes, selon la saison). C’est aussi au sol, dans de petites dépressions, qu’ils nichent. Les paires se forment après que les mâles aient démontré aux femelles leurs intentions par des parades élaborées ou des démonstrations sonores (comme le fait la gélinotte). La queue en éventail et le plumage de la tête des mâles sont souvent ponctués de plumes irisées et colorées, puis de caroncules** pour en mettre plein la vue. Après la sélection du mâle, la femelle couve ses œufs seule, comme une grande. Les femelles de nos Phasianidés, sont d’ailleurs connues pour être des mères à la dévotion sans pareil.  

La poule numéro 1

La poule sauvage la plus répandue en Amérique du Nord est la gélinotte huppée. C’est une poulette brune de grosseur moyenne à la queue rayée qui se finit par une bande foncée. Comme son nom l’indique, on la distingue par sa huppe. La gélinotte est relativement bruyante, mais pas parce qu’elle glousse sans cesse, au contraire. Généralement silencieuse, en cas d'intrusion sur son territoire, elle tambourine en frappant rapidement ses ailes sur du bois. Cela produit un bruit sourd, rappelant celui d’un moteur. Très impressionnant! (Tellement que ça fonctionne aussi pour attirer les femelles dans d’autres circonstances.)

La gélinotte huppée a plus d’un tour dans son sac pour éviter la prédation. En plus de son plumage camouflage, la femelle qui couve, ou qui a des petits, joue la comédie. Si un prédateur la repère, elle pousse des sifflements et fait semblant d’avoir une aile cassée en s’éloignant du nid. Le prédateur suit alors ce qui semble être une proie facile… Mais au dernier moment, la femelle s’envole et le prédateur est laissé les mains (ou pattes…) vides. Ingénieux!  

 

Les autres poules de la forêt

Le tétras du Canada (mâle), à gauche et celui à queue fine (à droite)

Dans les forêts du Québec, aux latitudes boréales, l’on retrouve d’autres poules amatrices de bourgeons : les tétras. Le tétras du Canada, le plus commun des deux espèces se rencontre dans les milieux coniféreux. Tu pourrais d’ailleurs le croiser sur un sentier montagneux au centre de la province, comme sur le Mont-du-Lac-des-Cygnes. C’est une petite poule sombre avec le bout de la queue rousse. Le mâle a une caroncule rouge au-dessus de l'œil. L’autre tétras, le tétras à queue fine est le seul à avoir… la queue fine et non en éventail. Il se trouve principalement à l’ouest de la province, dans les tourbières et les zones de coupe en régénérescence de l’Abitibi. Fait intéressant sur ce tétras : les mâles se regroupent dans des « arènes » pour leur parade nuptiale. Une méga production pour les femelles, pas loin du Cirque du Soleil!  

Les poules agroforestières

On est chanceux de pouvoir aussi observer des poules sauvages ailleurs que dans les bois. En lisière des forêts et dans les friches, c’est la perdrix grise que tu pourras voir. Attention de ne pas la confondre avec la gélinotte, comme on le fait trop souvent. En vérité, ces deux espèces ne pourraient pas être plus différentes. La perdrix, une espèce introduite (maintenant naturalisée), est une très petite poule grise. En contrepartie pour la petitesse de la perdrix grise (qui fait environ 30 cm), dans les champs et à l’orée des bois, on retrouve les vraiment gros poulets. On a nommé le faisan de Colchide (46-91 cm) et le dindon sauvage (91 à 122 cm). Deux espèces relativement « nouvelles » au Québec, dont les populations se déplacent tranquillement avec les hivers de plus en plus doux. Le faisan est brunâtre, avec une longue queue effilée. Le mâle a un collier blanc et la tête verte avec une caroncule imposante autour de l’œil. Le dindon mâle a le plumage foncé, avec lui aussi une caroncule sur tête. Dans les deux cas, les femelles sont plutôt brunes. Ces gros poulets arpentent les champs cultivés en quête de graines et de petits fruits.  

Un faisan mêle et une dinde femelle

Les poules des neiges

Finalement, la toundra accueille elle aussi des petites poulettes. Le lagopède des saules et le lagopède alpin sont des oiseaux du Nord, adaptés aux rigueurs des régions montagneuses et friands de bourgeons de saules. En été, pour se fondre dans les végétations basses alpine et nordique, le haut du corps est roux tacheté. Pour la saison hivernale, ils sont entièrement blancs (avec une caroncule au sourcil chez les mâles) et le bout de la queue noir, on les distingue par la bande noire sous l’œil du lagopède alpin. En hiver, ce dernier descend plus au sud et partage le territoire du lagopède des saules.  

Le lagopède des saules dans son plumage estival (à gauche) et le lagopède alpin, dans son plumage hivernal (à droite). Mention spéciale aux pattes touffues trop cute pour rester bien au chaud!

Alors, peu importe où tu te trouves au Québec, dans les régions agricoles du sud, à l’orée des boisés de feuillus, dans les denses forêts boréales, sur les hauts plateaux alpins ou dans les plaines de la toundra, y’a certainement une poule sauvage, plus ou moins grosse, plus ou moins brune, qui se tapit dans la végétation pas tellement loin.  

NOTES

* Ce groupe comprend entre autres les dindons, les faisans et les perdrix, mais aussi les cailles, les poulets sauvages et les paons.  

** Les caroncules, chez les oiseaux correspondent aux ornements rouges (en général) que portent les mâles. Les coqs ont une de ces excroissances très visible sur la tête, autour de l’œil et sur la gorge. Pour d’autres espèces, on peut aussi les retrouver au sourcil. Ces bosses un peu étranges, poussées par des fluctuations de testostérone, gonflent lorsque les mâles paradent pour les femelles. Il est à noter que nous, les humains, avons aussi des caroncules, mais elles sont assez différentes. Nous avons, entre autres, une caroncule lacrymale : la petite boule charnue au coin intérieur de l’œil.  

Par Anne-Frédérique, éducatrice-naturaliste senior

Sources images : Nicole Beaulac, Jason Ahrns, USFWS Mountain-Prairie, U.S. Government, U.S. Government, Alaska Region U.S. Fish & Wildlife Service, Gregory "Slobirdr" Smith, Frans Vandewalle

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