Le grand héron, une sentinelle
Tu sais peut-être ce que c’est qu’une espèce sentinelle? Ce sont des espèces d’animaux, de végétaux, de bactéries, ou encore de champignons, qui permettent d’indiquer l’état de santé d’un milieu naturel. Voici l’histoire du grand héron, une espèce sentinelle d’ici.
Ce grand oiseau piscivore (qui mange des poissons) accumule des contaminants : les poissons qu’il dévore ont eux aussi emmagasiné des contaminants au préalable. La chaîne alimentaire, ça te dit de quoi? Eh bien, c’est exactement le même chemin qu’empruntent certains éléments retrouvés dans l’environnement.
Les petits poissons, en bas de la chaîne alimentaire, ingèrent de manière directe les contaminants dans l’eau ou dans l’air. Ces poissons se feront probablement manger à leur tour par d’autres poissons un peu plus gros. Le héron mangera ces derniers, et les composés organiques toxiques vont à leur tour entrer dans son organisme par poisson interposé. Ainsi, les contaminants vont s’accumuler de manière indirecte. On parlera alors de bio-amplification, comme quoi les quantités de contaminants ingérés, vont s’accumuler et seront de plus en plus importantes.
Le rôle du héron
Cet oiseau est présent dans plusieurs écosystèmes aquatiques. On le trouve dans les lacs, les rivières, les marais, les fleuves et même en mer et aux abords des océans. En effet, il est pratiquement partout, sauf trop dans le nord où l’eau est gelée la moitié de l’année. Au Québec, on ne le trouve pas dépassé la Gaspésie. Donc, si tu regardes sa distribution à l’échelle de notre province, par exemple, il y a beaucoup de potentiel d’habitats. C’est également une espèce fragile et facilement perturbée par les changements dans son environnement, incluant les contaminants, surtout qu’il ne vit que sur d’assez petits territoires. On peut ainsi le voir comme un outil pour comparer facilement la présence de contaminants dans plusieurs milieux de vie en même temps. C’est tout de même une incroyable banque d’information qu’il nous donne, si l’on y pense bien.
Pour décoder ces informations, il faut trouver des indices pour savoir si le grand héron est en santé ou non. Il s’agit d’observer son comportement de reproduction, sa croissance, et sa capacité à se défendre contre des parasites ou des infections. Il faudra alors chercher des traces de contaminants dans ses tissus, son sang, ses plumes, ou bien dans ses œufs. Puis, en observant le grand héron sur de longues périodes (de manière chronique), nous pouvons ainsi connaître l’évolution des contaminants, à savoir s’ils augmentent ou s’ils diminuent dans la chaîne alimentaire et dans l’environnement. Plusieurs autres espèces sentinelles existent; souvent, ce sont les espèces en haut de la chaîne alimentaire. Puis, les espèces sentinelles peuvent également parfois être bio-indicatrices.
À l’étude
Certains contaminants peuvent rester très longtemps dans les différents types d’écosystèmes et bien sûr, dans l’organisme des animaux. C'est notamment le cas des DDT et des BPC* qui se retrouvent malheureusement dans les tissus du grand héron. Ainsi, si nous sommes capables d’identifier les oiseaux affectés par ces produits chimiques, nous serons en mesure d’enquêter sur les causes de la contamination dans un milieu de vie très précis. C’est toujours intéressant ensuite d’aller chercher d’autres informations dans les populations de hérons voisines afin de valider l’étendue de la contamination, ou encore, de vérifier que l’écosystème se porte mieux.
Afin de trouver des solutions durables au maintien de la santé des écosystèmes, plusieurs méthodes sont utilisées pour décontaminer l’environnement, mais je te laisse découvrir les solutions à travers notre blogue et tes autres recherches!
Savais-tu que...
Le grand héron adulte peut avaler près de 180 poissons par jour lorsqu’il est en période de nourrissage de ses héronneaux. Et si la pêche n’est pas bonne, pas de problème, il pourra capturer de petits amphibiens et même des petits mammifères. Il recrachera ensuite une boulette de régurgitation - oui oui, comme beaucoup d’oiseaux d’ailleurs, comme les hiboux; pas que les rapaces!
NOTE
* Les DDT et les BPC sont des polluants organiques persistants (POP) - c’est-à-dire que ces produits chimiques prennent beaucoup de temps à se détériorer dans la nature et s’accumulent dans la chaîne alimentaire. Ils sont fabriqués par l’humain, et donc pas présents à l’état naturel. Ils sont entre autres utilisés comme pesticides.
Par François-Vivier, éducateur-naturaliste
Sources images : Pexel, Pixnio, Andrea Westmoreland