Les relations proies-prédateurs
Les proies et les prédateurs, c’est sûrement dans les premiers concepts qu’on apprend sur la nature et l’écologie. En tout cas, c’est ultra représenté dans les dessins animés dès notre plus tendre enfance : Bip Bip et Coyote, Titi et Grosminet, ou encore Tom et Jerry pour ne nommer qu’eux.
C’est aussi une relation entre animaux qu’on aborde très tôt à l’école, parce que tu apprends à peine à reconnaître le mot renard, que tu sais déjà que sa proie c’est parfois la poule! Puis, en grandissant, tu tombes sur l’article sur les interactions biologiques, et tu sais désormais expliquer le principe de prédation à ton entourage comme si tu étais David Attenborough lorsque ton chat ramène une souris.
Pourtant les relations proies-prédateurs sont souvent beaucoup plus complexes qu’une histoire de chasseur et de chassé!
Une question d’équilibre…
Pour nous autres humains, qui pour la plupart n’avons plus à chasser par nous-mêmes notre nourriture, le sort de la proie peut sembler cruel. Les relations proies-prédateurs sont pourtant très importantes dans un écosystème.
En effet, un prédateur, prenons l’exemple du lynx du Canada, peut non seulement se nourrir grâce à la proie chassée, disons un lièvre d’Amérique, mais il apporte également un équilibre dans la population de lièvres qu’il chasse. C’est un mécanisme de régulation des populations.
Pour bien comprendre cette régulation, continuons avec l’exemple du lynx et du lièvre. Une population de lièvres qui se trouve dans un milieu favorable (avec beaucoup de ressources) grandit rapidement. On voit alors apparaitre de la compétition entre les lièvres. Cette surpopulation de lièvres est une chance pour le lynx. Il peut chasser plus facilement les lièvres plus faibles, puisque cela lui demande moins d’effort de chasse. La population de lynx va donc augmenter à son tour, grâce à cette ressource importante en nourriture. À un moment, les proies vont commencer à diminuer, puisqu’il ne restera que les lièvres les plus difficiles à chasser. Les proies se faisant plus rares, la population de lynx va elle aussi décliner. Cette diminution de prédation permet alors aux lièvres de recommencer à se peupler, et le cycle entre les proies et prédateurs poursuit son cours.
C’est ce qu’on appelle l’équilibre proies-prédateurs*! Cet équilibre** est présent dans tous les écosystèmes, car s’il n’existait pas, les prédateurs décimeraient les proies et disparaitraient à leur tour! Il ne resterait donc plus grand-chose dans l’écosystème…
En réalité, l’équilibre proies-prédateurs est pas mal plus compliqué que ça, puisqu’il faut prendre en compte dans l’équation qu’une proie a plusieurs prédateurs et qu’un prédateur peut être une proie pour une autre (c'est la mosaïque alimentaire), mais cela demande alors de partir dans de grandes modélisations mathématiques (et pour toi de prendre un cours à l’université pour les comprendre). Ou encore, d’aller chercher sur Google les équations de Lotka-Volterra… Enjoy!
Voir ici de rares images de Lotka et Volterra… Non j’te niaise, c’est juste un lynx qui chasse un lièvre.
… Et d’équipement!
L’évolution des espèces dans des relations proies-prédateurs ne se traduit pas seulement par un équilibre de dynamique des populations. Parfois, la proie ou le prédateur peut évoluer pour développer des caractéristiques afin de mieux se défendre, ou attaquer plus efficacement.
Tu le sais surement déjà (surtout si tu as lu notre article sur la mosaïque alimentaire), la prédation peut être un animal carnivore qui chasse un animal d’un niveau trophique inférieur, comme on vient de le voir, mais aussi un animal herbivore qui broute une plante. Que ce soit l’un ou l’autre des cas, l’animal ou la plante qui se fait prédater peut développer une défense face à cette prédation, afin d’être moins facilement mangé.
Il existe ainsi un nombre impressionnant de tactiques pour les proies de se défendre : ce peut être par du camouflage comme les gélinottes huppées dans la forêt ou comme le lièvre d’Amérique qui change de couleur en hiver pour ne pas être vu dans la neige; l’évolution de piquants sur ses branches, comme le font beaucoup de végétaux, tels que l’aubépine; ou encore, d'être toxique pour éviter d’être croqué, comme le crapaud d’Amérique avec ses poches derrière les yeux, ou comme certains fruits. Puis il y a les petits originaux, comme le nudibranche, qui s’approprie les défenses de ses proies pour se protéger de ses prédateurs à lui... Si si, c’est possible! (Tu peux en lire plus ici.)
Face à cette levée de boucliers, un prédateur peut développer de meilleurs moyens d’attaque. Ce peut être d’avoir un sens très développé, comme le faucon pèlerin qui peut repérer une proie à des kilomètres grâce à sa vue, ou les hiboux qui peuvent entendre des proies, même sous la neige grâce à leur face en forme de parabole; de présenter des structures spécialisées pour la chasse, comme les dents et les griffes acérées du lynx, les pattes ravisseuses de la mante religieuse, ou encore les tentacules de nez du condylure étoilé qui sont de vrais détecteurs à bibittes; ou encore d’attirer sa proie, comme le font certaines plantes carnivores telles que la sarracénie, par un fumet irrésistible pour les insectes, ou comme la baudroie avec sa petite lanterne de tête.
En écologie évolutive, lorsque qu’un prédateur et une proie évoluent en réponse à l’autre sur une longue période de temps, ce principe s’appelle la course à l’armement. On n’aurait pas imaginé meilleur nom pour symboliser cette co-évolution***!
La co-évolution cependant, ça ne se retrouve pas seulement dans les relations proies-prédateurs! On peut aussi en trouver dans des relations mutualistes, ou encore dans des relations parasitiques. Mais ça, on y reviendra plus tard…
NOTES
* Si tu as lu notre article sur le harfang et le lemming, c’est un autre bel exemple de relation proie-prédateur!
** Parfois, l’équilibre est menacé, comme dans le cas de l’introduction d’espèces invasives ou quand il y a des ravageurs dans le milieu. Pour rétablir l’équilibre on a alors souvent recours à la lutte biologique. Par exemple, on pourrait introduire un prédateur de l'espèce invasives pour en diminuer les populations.
*** Au cas où tu ne l’aurais pas deviné, la co-évolution, ça veut dire que deux espèces évoluent ensemble.
Par Julie, chargée de projet
Sources images : Jean Beaufort, Bryant Olsen, Jean Beaufort, Julissa Helmuth