La toxicité des fruits
« Si les oiseaux les mangent, c’est que c’est comestible! » Non, et re-non. Si les oiseaux mangent quelque chose, c’est qu’ils pourront le digérer et leur système digestif est bien différent du nôtre! La liste de plantes que les oiseaux peuvent consommer et pas nous est bien longue : nerprun, sureau, actée, chèvrefeuille, vigne vierge, if du Canada, et ça continue.
Don’t you know that you’re toxic?
Protéger la graine, à quel prix?
On sait que la fonction première des fruits, c’est de protéger la graine et favoriser sa dispersion. Se faire manger par un animal, transporter dans son système digestif pour ensuite être déposée dans un engrais naturel (lire ici « crotte »), n’est-ce pas le scénario idéal pour une graine? Alors, la question qu’on se pose, c’est pourquoi certains fruits sont toxiques? Pourquoi certaines plantes voudraient dissuader des animaux mangeurs de fruits s’ils leur permettent de coloniser des nouveaux territoires?
D’abord, comment une plante peut-elle empoisonner son fruit ou sa graine? Elles produisent une gamme impressionnante de composés chimiques, dont certains n’ont aucune fonction dans les processus primaires de la plante (comme la respiration cellulaire et la photosynthèse). Ce sont des composés secondaires.
Les toxines sont souvent produites lors du développement du fruit pour protéger les graines immatures contre les attaques d’herbivores ou la dispersion prématurée, comme c’est le cas de la morelle noire. Toutefois, des fruits mûrs avec des graines matures peuvent également être toxiques. Alors, comment expliquer les fruits qui restent toxiques même quand ils sont prêts à être dispersés? Dans certains cas, les toxines provoquent la constipation de l’animal, garantissant que les graines restent plus longtemps dans l’intestin et augmentant ainsi la distance à laquelle elles sont transportées. Dans d’autres cas, ils agissent comme des laxatifs pour assurer le passage rapide des graines pour éviter de les endommager pendant la digestion.*
Bon mangeur, mauvais mangeur
Tout ce qui mange des fruits, n’est pas bon pour la plante. Les toxines présentes dans les fruits pourraient cibler spécifiquement les animaux, les microbes et les champignons qui endommagent leurs graines, tout en étant non toxiques pour les espèces qui sont de bons « disperseurs » de graines. Les fruits du nerprun sont toxiques pour certains animaux (comme nous) mais pas pour les oiseaux qui dispersent les graines.
Les poisons découragent les destructeurs et les « disperseurs » de graines, de sorte que les plantes doivent faire un compromis entre dissuader les assaillants et attirer les animaux qui dispersent leurs graines en toute sécurité. Jusqu’à présent, les recherches suggèrent que la façon dont les plantes équilibrent ce compromis dépend de la durée pendant laquelle elles conservent les fruits. Les fruits très nutritifs et attrayants sont rapidement trouvés et mangés dès qu’ils sont mûrs. Ces fruits font face à moins de risques de dommages avant d’être mangés en toute sécurité par les bons animaux. Les toxines protectrices sont alors moins importantes et sont donc produites en plus petites quantités. D’un autre côté, les plantes avec des fruits moins nutritifs, avec des « disperseurs » de graines plus rares ou peu fiables ou plus de prédateurs, doivent protéger leurs graines vulnérables avec des fruits toxiques.
Enfin, les fruits peuvent être toxiques simplement parce que le reste de la plante est toxique. C’est un autre compromis que certaines plantes font; les toxines qui protègent les feuilles des herbivores peuvent également se retrouver dans le fruit.
En terminant, on veut juste que tu te rappelle de ne pas manger n’importe quoi dans la forêt (sauf, si on te le conseille) parce que les plantes sont bien équipées pour se protéger et tu pourrais avoir des mauvaises surprises…
NOTES
* Ces possibilités sont des hypothèses intéressantes, mais il reste bien des preuves à trouver.