Tantôt brun, tantôt blanc... la plasticité phénotypique expliquée
Le lièvre d’Amérique (Lepus americanus) est un lagomorphe que l’on retrouve au Québec et qui est un parfait exemple de plasticité phénotypique. Contrairement au lapin à queue blanche (Sylvilagus floridanus), une espèce qui conserve son pelage brun tout au long de l’année, le lièvre, lui, entreprend un changement de robe complet. Mais à quoi bon?
Au fil des saisons, les paysages changent, et pour un mammifère comme le lièvre, il peut s’avérer dangereux d’être facilement repérable pour ses prédateurs. Ainsi, alors que les premiers flocons tombent, le lièvre entamera un changement drastique : il deviendra tout blanc afin de se camoufler dans l’environnement blanc de la neige. Ce phénomène, c’est ce qu’on appelle la plasticité phénotypique.
Plasticité... comme de la plasticine?!
Un peu, oui! La plasticité phénotypique est comme de la plasticine qu’on peut remodeler lorsque des conditions extérieures (nos mains qui la manipulent, par exemple) viennent déranger sa structure. Plus concrètement, il s’agit d’un phénomène d’adaptation lorsque les conditions environnementales varient. Par exemple, le lièvre d’Amérique a un pelage brun du printemps à l’automne et blanc en hiver afin de se camoufler dans la neige. Ainsi, la coloration du pelage n’est pas fixe, mais est plutôt flexible, comme notre plasticine remodelée. Mais l’analogie de la plasticine a des limites, car le lièvre ne peut pas devenir un ours! C’est parce que les traits physiques, ou le phénotype, est dicté par l’ensemble des gènes d’un individu, soit le génotype. Autrement dit, notre lièvre n’a pas les gènes pour être autre chose qu’un lièvre. Alors comment se peut-il qu’un génotype puisse produire plus d’un phénotype? C’est l’expression de ses gênes et même possiblement d’autres facteurs qui ont changé dû aux conditions environnementales (car les gênes ne sont pas tous exprimés simultanément)!
Le cas des Coneheads aquatiques
Alors que dans le cas du lièvre le phénomène de plasticité phénotypique est réversible puisqu’il se produit deux fois par année, soit une fois à l’automne et une fois à l’hiver, il est toutefois irréversible dans plusieurs autres cas. Chez les tout petits crustacés que sont les daphnies, on pourrait observer des changements irréversibles qui sont induits par la présence... d’un prédateur! En effet, les daphnies, lorsqu’elles sont en présence de prédateurs, pourraient développer bien des stratégies anti-prédatrices. Certaines espèces réduisent leur taille afin de passer inaperçues. D’autres développent de nouveaux traits comme l’apparition de petites épines sur le dos, ou changent la forme de leur tête... comme si elles portaient un petit chapeau pointu!
Ce petit chapeau a une fonction bien précise : il s’agit d’une stratégie anti-prédatrice. Cette défense permet alors d’être moins prises pour proie puisque la tête pointue peut induire des blessures dans la bouche de quiconque ose en prendre une bouchée. Ainsi, les prédateurs évitent de les chasser, puisqu’ils associent les têtes pointues des daphnies à de vives douleurs en bouche.
Maintenant, essaie d’imaginer de quoi nous aurions l’air si des épines poussaient sur nos jambes en guise de défense chaque fois qu’on jouait au ballon, ou si la couleur de nos cheveux changeait chaque fois que des flocons de neige tombaient du ciel!
NOTES
* Tiré de Daphnia pulex. (2024, January 15). Biology Forums Gallery.
** Tiré de Juračka, Petr & Korinek, Vladimir & Petrusek, Adam. (2010). A new Central European species of the Daphnia curvirostris complex, Daphnia hrbaceki sp nov (Cladocera, Anomopoda, Daphniidae). Zootaxa. 2718. 1-22. 10.11646/zootaxa.2718.1.1.
Par Jessica, éducatrice-naturaliste
Sources images : Dave Doe, Martin Kraft, Peg Becks, Harry32, Petr Juračka, Vladimir Korinek et Adam Petrusek,