Ces intrigants lichens
À peine arrivé(e) dans la forêt, tu te sens déjà bien. Les arbres de l’automne sont parés de leurs plus belles couleurs et les feuilles commencent à tomber par terre à cause du vent. Tu profites de ta randonnée pour observer les plantes qui se préparent tranquillement à l’hiver. Sur un rocher qui borde le sentier, tu remarques ce qui ressemble à une mousse, mais qui n’en est pas une. De quoi s’agit-il? C’est sans doute ces intrigants lichens!
Ce joyau de la nature, ces organismes uniques, complexes et fascinants qui réunissent deux êtres vivants dans une histoire d’amour incroyable. Sans sombrer dans l’anthropomorphisme*, les lichens peuvent parfois passer inaperçus. Ils ont pourtant toute une palette de couleurs et des formes variées, en plus d’être complètement mystérieux. Tout ce qu’il faut pour attirer l’attention!
C’est quoi du lichen?
Les lichens, contrairement aux plantes, n’ont ni feuilles, ni tiges, ni racines. Ils sont composés d’une structure appelée thalle. On les retrouve sur les roches, le sol, les arbres, les bâtiments, etc. Ils ne font pas les difficiles!
Disons que les lichens sont le résultat d’une symbiose entre un champignon et une algue ou parfois une cyanobactérie. Les deux partenaires sont essentiels, car l’un ne peut vivre sans l’autre. Le champignon offre eau, sels minéraux et protection en échange des nutriments produits par la photosynthèse de sa compagne. « Les lichens sont essentiellement des champignons qui pratiquent la culture, explique le Musée Canadien de la nature. En effet, le champignon vit avec un partenaire – une algue, une cyanobactérie, ou des deux – dont il tire son énergie. »**
Ils sont aussi de véritables rois de la résilience! Ils peuvent passer plusieurs mois complètement secs, sans eau, et se ranimer lorsque les conditions sont favorables. Certaines espèces peuvent même survivre plus de 5 ans dans des conditions complètement sèches. Autre anecdote : des individus pourraient atteindre jusqu’à 8 600 ans…
Comment se reproduisent-ils?
Bonne question! C’est assez spécial de penser à la reproduction des lichens. Il s’agit tout de même d’organismes composés de deux êtres vivants! Avec plus de 20 000 espèces à travers le monde, il y a plein de méthodes différentes. En général, ils ont deux méthodes : sexuée et asexuée. La reproduction sexuée implique un brassage génétique. Pour faire simple, le champignon produit des structures qui développeront des spores. Ceux-ci devront partir à la recherche d’une algue adéquate pour donner des petits bébés lichens!
La reproduction asexuée créée de véritables petits clones. Elle est assurée par la fragmentation du lichen en morceaux. Ces fragments sont transportés ailleurs par le vent ou la pluie et peuvent coloniser de nouveaux milieux lorsque les conditions sont favorables. Certaines espèces utilisent aussi des organes spécialisés qui produisent des petits grains appelés sorédies, qui contiennent à la fois le matériel génétique du champignon et de l’algue.
Et les lichens du Canada?
Les lichens couvrent 7 % de la surface de la Terre, entre la forêt tropicale, le Grand Nord et le mur de ta maison, ils sont partout. On en compte plus de 2500 espèces dans le pays, dont la cladonie étoilée. Cette espèce est le menu favori des caribous pendant l’hiver et pousse dans toutes les provinces et territoires du Canada.
Sur le sol forestier boréal, impossible de la manquer, elle ressemble à des choux-fleurs vert jaunâtre. Elle est plutôt facile à reconnaitre.
Des espèces fragiles et importantes
En ville, les lichens peuvent nous informer de la qualité de l’air. Le Musée canadien de la nature** ainsi que plusieurs scientifiques les comparent même aux canaris que les mineurs apportaient avec eux dans les mines pour servir d’indicateurs de la présence de gaz toxiques. L’oiseau suffoque = il faut sortir d’ici! Au même titre que le canari, la concentration des polluants dans l’air, comme le SO2 émis par les voitures, impacte directement la survie des lichens. D’ailleurs, depuis le 19e siècle, l’augmentation de la pollution de l’air les a grandement influencé. C’est parce qu’ils ne possèdent pas la couche qui protège les autres plantes, la cuticule, alors ils sont dépendants de la qualité de l’air. Ainsi, plusieurs espèces de lichens disparaissent lorsqu’il y a trop de pollution. De nombreuses études utilisent alors les lichens en tant que bio-indicateurs pour évaluer la salubrité de l’air : c’est ce qu’on appelle la biosurveillance!
En ville comme dans la forêt, les lichens ont aussi de nombreux rôles écologiques. Ils sont parmi les premiers colonisateurs de milieux arides. Ils sont aussi les premiers à s’installer et créent un milieu plus fertile pour d’autres organismes. Ces véritables pionniers stabilisent aussi le sol en plus de prévenir l’érosion. Pour les animaux, ces organismes fournissent nourriture, abri et camouflage. Les caribous les mangent, les oiseaux les utilisent pour leur nid, les humains s’en servent comme teinture ou en médecine… Wow!
Pour ta prochaine randonnée en forêt, prends le temps d’observer ces organismes magnifiques! Mais attention par contre, ils sont plutôt fragiles. Certaines espèces poussent à peine 0,5 mm par année, alors il ne faut pas s’en servir comme coussin confortable pour le pique-nique!
NOTES
*L’anthropomorphisme, c’est attribuer des émotions ou des réactions humaines à d’autres entités comme des animaux, ou dans le cas suivant, à un champignon et à une algue, parce qu’il n’y a pas de limites à notre imagination!
**Tiré de l’article « Résultats du vote sur les lichens : Un lichen très recherché des caribous remporte le titre de lichen national » du Musée canadien de la nature.
Par Andréanne, éducatrice-naturaliste senior et coordonnatrice des activités Charlevoix
Sources images : Pixabay, Pixabay, Anders Wahl