Les amphibiens : toxiques ou comédiens
« Est-ce qu’on trouve des grenouilles venimeuses au Québec? »
Cette question, on se la fait poser tellement souvent… Et la réponse, c’est non. Il n’y a aucun danger pour toi avec nos grenouilles, et même, on pourrait dire avec tous nos amphibiens québécois*. Mais, attention, on n’a pas dit aucun danger pour les prédateurs d’amphibiens.
À moins que tu aies envie de te mettre une rainette sous la dent, tu devrais sortir indemne de ta prochaine randonnée dans un milieu humide. Les amphibiens sont inoffensifs pour nous, les humains. Mais, pour échapper aux pressions de la prédation, les amphibiens ont quelques tours dans leur poche. Ce n’est pas tout d’être visqueux et de savoir chanter, il faut aussi survivre.
D’abord, nos grenouilles sont des expertes en camouflage. Leurs couleurs dernier cri sont en parfaite harmonie avec leur environnement. Difficile de repérer une grenouille léopard dans les plantes aquatiques, un crapaud dans la litière forestière, ou encore une rainette versicolore dans le feuillage ou sur le tronc d’un arbre. Cette rainette, pour maximiser ses chances de survie, peut changer de couleur en quelques minutes, passant du vert au gris et vice-versa. C’est notre caméléon local. Et en plus de leurs couleurs agencées, on doit souligner que la plupart de nos amphibiens sont très petits, comme la salamandre à quatre orteils (qui fait rarement plus de 8 cm de long) et la rainette faux-grillon de l’Ouest et la rainette faux-grillon boréale qui font 3,5 cm gros max, soit à peine plus gros qu’un 2 $.
Le crapaud d’Amérique possède deux glandes à venin (ou glandes parotoïdes) sur son cou juste derrière ses yeux qui sont un excellent moyen de défense contre ses prédateurs, comme les ratons laveurs, les moufettes et les couleuvres. Ces glandes produisent une substance toxique blanche qui a un goût prononcé. On a déjà comparé ça à prendre une tasse de sauce tabasco d’un coup… De quoi faire écumer un prédateur pendant plusieurs heures (ou plusieurs jours, selon leur tolérance à la bouffe épicée) et de lui apprendre une bonne leçon. Le venin agit aussi sur le système nerveux de l’animal et peut créer des vomissements et des convulsions.
Nos salamandres sont les pro des poisons**. Quelques unes de nos espèces produisent des sécrétions cutanées déclenchées en présence de danger. Dans le cas de la salamandre maculée, la sécrétion est visqueuse, un argument additionnel pour dissuader ses prédateurs. La salamandre à points bleus, quand elle sent le danger, elle remue sa queue qui sécrète une toxine noire. Elle colle ensuite sa queue sur son corps, peut-être pour s’enduire du liquide. Après un tel display de toxicité, il faudrait être un prédateur bien imprudent pour la croquer tout de même.
Les salamandres sombres (du Nord et des montagnes) et les salamandres à quatre orteils n’ont pas de défense chimique comme leurs cousines, elles ont plutôt élaboré un spectacle bien particulier pour leurs prédateurs. Juste au bon moment, la salamandre peut détacher l’extrémité de sa queue qui continue de gigoter vigoureusement par terre. Ce bacon de queue, c’est la parfaite distraction pour le prédateur, ce qui donne amplement le temps à la petite salamandre de prendre ses mini jambes à son cou. On a déjà observé la salamandre à quatre orteils « faire le mort », une autre interprétation haute en couleur, digne d’un oscar.
Les amphibiens d’ici, qui sont bien loin d’être dangereux pour les humains***, sont plutôt ceux qui devraient être effrayés. L’étalement urbain, l’assèchement de milieux humides, la fragmentation, la disparition et la diminution de leurs habitats ainsi qu’un taux de plus en plus important de polluants dans l’eau, ça, ce sont les véritables poisons, et ce sont les amphibiens qui en souffrent, pas nous.
NOTES
* Et si tu veux tout savoir, de nos huit espèces de couleuvres (qui ne sont pas des amphibiens, mais bien des reptiles), aucune n’est venimeuse, ne lance, éjecte ou crache du poison, n’a envie de te mordre ou encore, de te courir (ramper) après.
** Les salamandres partagent le spotlight des juteuses de poisons avec le triton vert, un autre de nos amphibiens, qui produit lui aussi un liquide toxique sécrété par sa peau.
*** Il est à noter qu’il existe des espèces de grenouilles exotiques beaucoup plus toxiques que tous nos amphibiens du Québec. Au seul contact de la peau de la grenouille jaune, qui vit en groupe dans les forêts colombiennes, un humain peut ressentir une intense sensation de brûlure et ce, pour plusieurs jours. On dit que c’est la grenouille la plus toxique au monde. Rien de moins.
Sources images : US Fish & Wildlife Service, Peter Paplanus