La corneille : smart cookie
Alors que la majorité de nos oiseaux ont levé les voiles vers le sud en novembre dernier, on profite des derniers moments avant leur retour pour célébrer un oiseau qui non seulement n’a pas peur de l’hiver, mais qui est pas mal plus intelligent que tu le penses. Et, on doit l’avouer, on a un crush pour sa magnifique robe noire qui brille dans le soleil. Non ce n’est pas un aigle noir, mais il pourrait tournoyer près de toi, dans un bruissement d’ailes comme tombé du ciel. C’est la corneille, qu’on trouve super sharp.
Tout le monde peut reconnaître son look, mais aussi son très délicat croassement. #lol Elle doit probablement cette notoriété au fait qu’on la voit partout. La corneille d’Amérique est un oiseau cosmopolite en Amérique du Nord. Ça, ça veut dire qu’on la trouve dans un grand nombre d’habitats*, autant les milieux ouverts, que boisés, en ville, sur les côtes. Cette variété signifie que c’est aussi un animal qui a une capacité d’adaptation très grande (un peu comme le raton laveur). D’ailleurs, son régime omnivore et opportuniste (si ça se mange, la corneille risque d’en prendre une part…) facilite la dispersion des populations.
On en profite ici pour démystifier leur réputation d’oiseau de malheur… Certaines personnes, on les nommera pas, associent la corneille avec la mort, les sorcières et les mauvaises intentions. La raison est simple. As-tu déjà vu 4-5 corneilles snacker sur un animal mort sur le bord de la route? Probablement. Elles faisaient la même chose pendant les guerres après les combats. On les a donc associées à la mort et à des comportements pas très élégants. #gottaeat C’est ça, l’opportunisme.
On a le kick sur la corneille, parce qu’elle a de la classe, oui, mais aussi parce que c’est définitivement le couteau le plus aiguisé du tiroir à ustensiles. C’est pas rare d’entendre les chercheurs comparer l’intelligence des corneilles à celle des primates. Elles sont capables d’utiliser des outils comme des morceaux de bois pour obtenir de la nourriture. On a observé certains individus jeter des pierres en vol pour défendre leur territoire. Elles sont capable de modifier des outils pour les rendre plus performants**. Pour un oiseau, c’est définitivement hors normes. Elles jouent. Elles sont d’excellentes imitatrices et elles ont un répertoire de cris impressionnant. Elles sont capable de faire des liens de cause à effet (certains humains ont de la misère à faire ça, on les nommera pas…). Et les corneilles ont aussi une mémoire phénoménale qui leur permet de reconnaître leurs consœurs et même des visages humains!
Cette mémoire est probablement le résultat de leur vie grégaire. Oui, les corneilles vivent en groupe. Elles ont mis sur pied un système de coopération intergénérationnel. Elles forment des groupes familiaux super efficaces. Le noyau est formé par les parents, qui sont appariés pour la vie (on pourrait aussi dire monogames). Les autres membres de la gang, ce sont les jeunes des années précédentes. On parle de groupe d’une quinzaine d’individus. Tout le monde participe à la fabrication du nid***, à l’élevage des petits et à la défense du territoire. Puis, quand l’hiver arrive, les familles se rassemblent et passent la saison en méga-gang pouvant comporter des milliers d’individus. #laviesecretedescorneilles On appelle ces groupes des dortoirs.
En finissant, shout-out à cet excellent clip de Deep Look (oui, c’est en anglais) sur l’apprentissage social des corneilles. Petit avertissement, c’est un peu creepy par moment, mais c’est très éclairant sur la capacité des corneilles à reconnaître des situations, à imiter leurs pairs et apprendre par la vie de groupe.
NOTES
* On la trouve partout en Amérique du Nord, à l’exception de la côte ouest du Canada où la corneille d’Alaska (plus petite) règne en maître. Et il faut ajouter que notre corneille cosmopolite ne trippe pas sur les déserts… quoique même là, on peut en voir.
** Au Japon, cette population de corneilles a développé une technique bien spéciale pour ouvrir des noix. Une vidéo à voir!
*** Le nid de la corneille d’Amérique est en fait une grosse plate-forme de branches sur laquelle on trouve un coupe tapissée de mousse et de brins d’herbe. Pour le confort! Ces plate-formes sont souvent réutilisées par d’autres oiseaux comme les éperviers, les buses et certains hiboux, et même par des écureuils ou des ratons laveurs.
Par Anne-Frédérique, éducatrice-naturaliste
Source image : Dick Daniels