Une racine qui vaut cher ou 300 ans de désastre pour le ginseng à 5 folioles
C’est presque uniquement dans les érablières à sucre de la Montérégie et dans quelques forêts matures d’Ontario qu’on trouve aujourd’hui le ginseng à 5 folioles, au Canada. Cette plante vivace indigène a pourtant déjà prospéré partout au sud du Québec! Qu’est-il donc arrivé aux populations de cette plante d’ombre qui n’a fait de mal à personne?
Sa précieuse racine
D’abord, il faut savoir que la racine du ginseng à 5 folioles, qui ressemble à un petit panais, est utilisée en médecine traditionnelle asiatique, ce qui en fait une denrée trèèès lucrative sur le marché de l’exportation. On s’est mis à le cueillir à outrance et à expédier ses racines séchées*. Tellement, qu’il figure désormais sur la liste des plantes menacées de disparition dans notre pays (et notre province). Sur-cueillir cette plante à croissance lente et qui devient mature pour se reproduire qu’après 3 à 8 ans (comme le trille blanc), ça n’a pas permis aux populations de se régénérer naturellement. En plus, l’environnement de croissance du ginseng est très spécifique. Cette plante à fleurs blanc verdâtre nécessite un milieu ombragé; elle se plaît dans les érablières avec plusieurs espèces de grands arbres qui, avec leur feuillage épais, coupent la luminosité.
Effet de lisière et autres
Une autre problématique qui frappe le ginseng à 5 folioles : il n’est pas fan de soleil. Donc, si la superficie des érablières du sud du Québec diminue au profit des villes, les zones idéales pour le ginseng réduisent aussi! Comme les forêts sont fragmentées, on augmente la longueur des lisières (des zones avec une luminosité élevée), ce qui nuit carrément à sa croissance. Les épisodes de verglas de plus en plus fréquents y sont aussi pour beaucoup dans la dégradation de la canopée. On ne peut pas en vouloir aux arbres si leurs branches cèdent sous toute cette glace.
Un autre caprice du ginseng : la qualité du sol. Il doit être bien drainé, basique (ou, pas acide), relativement plat, épais, et on en passe. En plus, ses feuilles appétissantes font le bonheur de certaines cervidés (pour ne pas les nommer, les cerfs de Virginie).
Des caprices? Oui et non. Si on y pense quelques secondes, les conditions de croissance du ginseng sont strictes, mais pas tellement plus que nos autres plantes. Il a simplement eu la malchance d’avoir été surexploité pour ses propriétés médicinales intéressantes.
Bien que cette plante puisse vivre une soixantaine d’années, le nombre d’individus dans les populations connues est trop bas pour être viable. Les restrictions naturelles qui s’opposent au ginseng sont déplorables, mais le braconnage (non, le braconnage c’est pas juste quand un méchant chasseur tue un lion) reste une de ses plus grandes menaces. La récolte, l’importation et l’exportation du ginseng à 5 folioles sont réglementées au Canada : la possession de la plante récoltée est interdite et passible d’une amende. Toutefois, pour que les cueilleurs illégaux paient, il doivent être pris la main dans le sac (ou sur la racine) et ça, c’est pas évident.
On peut se consoler en se disant que le Québec est la limite nord de la répartition de la plante et qu’on en trouve dans tout l’est des États-Unis. C’est par contre une bonne occasion de réfléchir à notre impact sur les milieux naturels quand vient le temps de les exploiter.
Par Anne-Frédérique, éducatrice-naturaliste
Source image : Wiki